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Bikingman Portugal 2021 avec Geneviève Healey

Bikingman Portugal 2021 avec Geneviève Healey

Notre ambassadrice Geneviève nous raconte son expérience au BikingMan 2021 au Portugal, une compétition de plus de 1000km de vélo dans un espace-temps limité.

Bikingman Portugal 2021 : Solo femme

Lorsqu'on parle d'une compétition de plus de 1000km de vélo dans un espace-temps limité, on fait souvent référence au BikingMan. Cette organisation créée en 2015 a pour but d'organiser des championnats d'ultra-distance en Amérique du Sud, en Europe, au Moyen-Orient et en Asie. En 2021, Geneviève a participé au BikingMan Portugal et elle vous raconte son expérience.

BikingMan Portugal 2021 ou forger son mental à l’étranger!  

Il y a un peu plus d’un an, je m’envolais vers le Portugal pour aller réaliser mon plus important défi cycliste à ce jour : l’édition portugaise de la série des courses BikingMan. C’était non seulement ma première fois en Europe en solo, mais aussi la première fois que je mettais mon vélo en pièces dans une boîte. J’étais inscrite à cette course depuis le mois de décembre 2019. Pandémie oblige, j’ai dû reporter ma participation d’une année, pour vivre l’édition 2021.

Sans trop le savoir, je m’en allais vivre la plus grande aventure de ma vie et acquérir une expérience telle que je n’aborderai plus jamais le temps passé sur mon vélo de la même manière… et peut-être la vie en général?

Après avoir remonté mon bolide, puis l’avoir testé sur une cinquantaine de kilomètres aux alentours de Faro, petite ville au Sud du Portugal où se tiendraient quelques jours plus tard le départ et l’arrivée de l’édition 2021 du BikingMan, j’étais fin prête à m’élancer sur le parcours. Enfin… presque. Une foule de questionnements a émergé dans ma tête, malgré tout l’entraînement physique et la préparation des derniers mois, en avais-je fait assez? Étais-je à la hauteur pour affronter ces 1010 km et leurs 12 000 mètres de dénivelé,  en moins de 120 heures? Tout d’un coup, j’ai eu peur de rouler dans un autre pays, dans une autre culture, sur des routes sans accotement, dans une langue inconnue, etc.

Jour 1 : Le départ

Ayant atterri avec quelques jours d'avance, le départ arriva enfin. Même si mon aventure débuta avec un stress supplémentaire : un problème de valve de pneu arrachée la veille me fait réaliser que de gonfler des pneus avec une mini pompe n'est pas idéal ni sans risque. Peu importe, j’y suis enfin!

5, 4, 3, 2, 1, PARTEZ! Je m’avance dans les vagues de départ, j’ai les larmes aux yeux : Dans quoi me suis-je encore embarquée? Suis-je à la hauteur de tous ces gens qui m’entourent? Ai-je la force mentale et physique pour compléter ce genre d’événement? Tant pis, plus le temps pour les questions inutiles, je donne mes premiers coups de pédale. Il fait noir, ça brasse sur les pavés portugais et j’ai froid. Je croise un participant qui répare une crevaison… après 3 km!

Il se passe deux longues heures avant que le jour ne se lève, mais le vent, lui, était plus matinal : de grosses rafales nous soufflent en pleine face et de côté, ça devient même dangereux de chuter, certains participants préfèrent se mettre à l’abri. La première longue montée de 15 km m’oblige à grimper en danseuse pendant des dizaines de minutes et je regrette aussitôt mon choix de traîner un sac à dos. Plusieurs montées sont tellement abruptes que je suis surprise moi-même de ne pas mettre le pied à terre. C’est beaucoup plus difficile que ce que j’anticipais; le relief reporté sur une distance de 1010 km ne me paraissait pas aussi à pic sur papier. Les ravitos sont difficiles, voire quasi absents. Au Portugal, l’eau potable est embouteillée, ce qui complique encore plus les choses.

Dans quoi me suis-je encore embarquée?

Les participants se dispersent et mon objectif de me rendre au premier point de contrôle la première journée s’effrite en même temps que le soleil descend dans le ciel. Bien que les journées soient d’une chaleur ardente, elles sont courtes et les nuits, d’une fraîcheur surprenante.

Ayant réservé ma première nuit d’hôtel au kilomètre 333, soit je continuais de rouler les 83 km restants dans le vent et le froid, soit je tentais de me trouver une chambre au km 250, dans le petit village où je me trouvais… soit je dormais dehors dans mon drap de survie et mon manteau de duvet. En entendant mes dents claquer avec le mercure qui avait chuté sous les 10 degrés Celsius, j’ai éliminé la troisième option et me suis mise à la conquête des deux seuls hôtels avoisinants… qui étaient complets.

Après avoir supplié un propriétaire d’hôtel, il m’a finalement loué la chambre dédiée à l’employé de la réception. Fiou!         

Jour 2 : Hallucinations et festins

Je tente de commencer tôt, vers 2h AM… mais la peur me prend au ventre. J’appréhende tellement la rencontre avec des chiens errants que j’en hallucine quelques-uns lorsqu’ils ne me barrent pas la route. Je me surprends à crier après des cabots parfois invisibles avec une voix d’outre-tombe que je ne reconnais pas. Puis, au loin, une lumière rouge qui clignote : alleluia, un autre participant!

Je rencontre Guillaume avec qui je roulerai côte-à-côte (le sillonnage étant interdit) une centaine de bornes avant qu’on se sépare. Nous croiserons un village en fête (c’est une journée fériée portugaise) jusqu’aux petites heures de la nuit et aurons le privilège de manger un sandwich de porc effiloché bien chaud, fraîchement cuisiné, à travers des gens plutôt éméchés, quel délice!

Enfin, nous finissons par atteindre le premier point de contrôle (CP1) et la chaleur commence déjà à taper, malgré qu’on soit l’avant-midi. Je prends une courte pause puis je repars. Je rattrape finalement Guillaume et on poursuit nos profondes conversations. J’adore ces moments humains qui nous lient dans ce type d’événements longue distance. Peu importe nos motivations, nos vies personnelle et professionnelle, nous partageons la même bulle un peu folle et invraisemblable de s’être lancés sur ce périple hors de l’ordinaire. Tranquillement, la faim recommence à nous tenailler et on se surprend à rêver d’un trio McDo. Nos conversations s’entrecoupent peu à peu de silences songeurs. Sorti de nulle part, à l’approche de la ville d’Évora, patrimoine de l’UNESCO, Guillaume me crie : « Geneviève, as-tu envie d’un bon MacDonald (à prononcer avec l’accent typiquement français)? » Mes yeux s’illuminent en planifiant notre détour de 3 km hors parcours pour se farcir un festin clownesque.

C’était divin.

Guillaume en a assez et décide qu’il dormira ici ce soir. De mon côté, j’ai appris de la veille et j’avais réservé plus tôt une chambre au 500e km. J’ai donc attaqué les 90 km restants sur les chapeaux de roue, motivée à bloc et rassasiée de friture.

Jour 3 : Le caprice des articulations

Le mercredi fut à la fois ma pire et ma plus belle journée. Ça ne fait même pas 10 km que je roule à la noirceur qu’une douleur au genou droit, apparue brièvement la veille, refait surface. Trente minutes plus tard, ça fait si mal que je dois m’arrêter constamment. Puis, ça devient insupportable : juste la rotation de de ma jambe droite me fait grimacer de douleur. Mon moral est à son plus bas : je dois me rendre à l'évidence, impossible de compléter les 500 km restants dans cet état, à m’arrêter aux 10 km. C’est la première (et la seule) fois où je considère réellement l’idée d’abandonner.

Le jour étant levé, je m’arrête à nouveau. Qu’est-ce que je fais? Je réfléchis et tente quelque chose : un déplacement de cale de chaussures peut-être? N’ayant aucune connaissance sur le sujet, autrement que de savoir que c’est déconseillé, je cherche quelques avis sur le web. Déplacement à gauche ou à droite? Finalement, advienne que pourra… je n’ai rien à perdre.

À mon grand étonnement, la douleur disparaît tranquillement. Placebo ou soulagement réel, aucune idée, mais je finis enfin par atteindre la mer. Enveloppée par des paysages grandioses et leurs odeurs, je mets de la musique dans mes oreilles et fonce comme une gamine. À ce jour, c’est la plus belle sortie de vélo de toute ma vie!

Jour 4 : Monchique et sa chaleur suffocante

La quatrième journée est caractérisée par la traversée de luxuriantes forêts d’eucalyptus, dépourvues de tout ravitaillement pendant longtemps… très longtemps. L’ombre se fait rare et le soleil tape. Avec ce coquetel de chaleur et de fatigue extrêmes, je cogne littéralement des clous en plein jour sur le vélo. Je m’arrête au premier endroit légèrement ombragé que je croise pour tenter une micro-sieste, couchée sur des épines de conifères, la tête sur une souche : au diable le confort! C’est l’enfer, littéralement : une chaleur extrême et le soleil qui ne lâche pas. Pour une rare fois en vélo, j’aurais apprécié davantage de vent. Mes trois bidons sont à sec et je commence à sérieusement me demander comment je vais finir cette portion dépourvue de tout ravitaillement. J’entre dans le prochain village, mais aucune épicerie ou commerce, il me paraît abandonné comme beaucoup de patelins dans ce coin. Lorsque je croise finalement une cabane qui ressemble à une taverne avec trois ou quatre hommes assis à jaser devant une bière, je sors mon plus beau portugais pour acheter de l’eau. Miracle, non seulement je peux remplir mes bidons d’eau, mais je me gâte d’une canette de Coke.

Je me dépêche à reprendre la route, car la noirceur me guette et on m’a avisée que la portion qui s’en vient comporte des routes complètement démolies, avec des pourcentages assez raides autant dans les montées que dans les descentes : la plus prudente des prudences sera de mise dans la nuit complète. J’entame donc cette traversée de villages abandonnés et je me surprends, avant que la pénombre m’envahisse, à parler aux rares pancartes que je croise…

Je me sens seule au monde et je tremble presque de peur, mais ça me donne l’adrénaline nécessaire pour filer encore plus vite vers mon dernier hôtel de ce BikingMan.

Jour 5 : La grande finale

Au départ de mon dernier matin pour rallier l’arrivée, je suis fébrile d’affronter les 80 derniers km. Je quitte donc un peu avant le lever du jour et je suis excitée et déjà un peu envahie par le sentiment d’accomplissement à ma portée.

Après avoir eu l’impression que je n’arriverais jamais, j’entends enfin les cloches de la ligne d’arrivée au loin… en même temps que tout tremble avec les fameux pavés portugais recouvrant le centre-ville de Faro. Alors que je sentais l’émotion arriver, celle-ci est rapidement chassée par ma concentration à ne pas tomber à cause de ce relief de pierres tellement brutal.

Bikingman : L'épreuve

Cette expérience m’a transformée. Le fait d’avoir vécu et vaincu autant d’émotions fortes en si peu de temps, me donne l’impression que je suis plus apte à affronter les défis de la vie, que j’ai une plus grande résilience. Bien sûr, ce constat m’appartient, mais si l’expérience vous tente, lancez-vous! Cette phrase entendue d’un participant résume bien ma pensée : « le BikingMan, c’est tellement difficile que tu n’y enverrais pas ton pire ennemi, mais c’est une telle découverte de soi que tu y enverrais peut-être ton meilleur ami… ».

Par Genevieve Healey, ambassadrice de la boutique Mathieu Performance 

Crédits photos : David St-Yves, Guillaume Audebert, Geneviève Healey

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